Aucune définition n’est finalement valide pour sonder les contours d’un mouvement qui pratique la distanciation comme en philosophie ou encore refuse les codes industriels artistiques pré dictés par le marché. Le penseur afro futuriste est par définition un traumatisé culturel en construction qui très souvent se renomme comme pour mieux choisir sa naissance. Il regarde le monde tel un postulat mathématique et choisit la formule logique adéquate pour trouver ses “vérités esthétiques”.
Les cosmogonies africaines, notamment antique égyptienne et yoruba sont empruntées pour résoudre les “équations” posées par les conditions d’existence. Cette distance par rapport aux valeurs préétablies telles la philosophie occidentale ou son esthétique écarte les religions et laisse à la place, dédiée à la foi, un empirisme rationnel. L’approche métaphysique se retrouve ainsi dans l’imaginaire et les créations qui en découlent.
Afrofuturism: une esthétique de résilience ?
Il n’est cependant pas vérifié d’attribuer ce concept sociologique uniquement à une partie des communautés noires. En quoi les troubles émotionnels subis par Abel Meroopol, enseignant juif à New York,
lorsqu’il vit des photos de lynchage de noirs et répondit par le poème Strange Fruit, différent des troubles qui ont conduit Sun Ra à repenser son immortalité et à quitter sa condition d’homme ? De même, la musique de John Cage avec qui il partage l’approche abstraite et métaphysique pourrait alors être renommée euro futuriste et résiliente.
De la même façon que les musiciens de la renaissance se sont émancipés de l’église, Sun Ra a bousculé les compositions classiques orchestrales en doublant certains instruments ou en rajoutant des sonorités électriques et parfois «chaotiques»: un double madrigal futuriste.
Sun Ra, l’ange venu de Saturne
Du bateau qui accoste à la navette spatiale qui s’apprête à décoller, la théorie chez Sun Ra investit une destination future pour mieux visiter le passé. L’exode par la pensée et par l’esthétique est le remède pour sortir du mythe et de l’aliénation mentale. L’espace remplace la terre et son in␣nité est à l’image de la créativité.
«I came from somewhere else.» Sun Ra
Le mouvement Afrofuturism est-il une dérision adressée aux communautés noires elles-mêmes pour questionner leur peu d’intérêt pour les sciences ␣ctions ? Un domaine exploité quasi exclusivement par des auteurs blancs et qui, comme le décrit le critique d’art Samuel R. Delaney dans Racisme et Sciences Fiction écarte toute possibilité de changer leurs conditions aux communautés noires. Si tel est le cas le conservatisme serait le ver qui ronge le fruit de la pensée ? Les troubles émotionnels issus de la Seconde Guerre Mondiale combinés aux sévices subis en Alabama ont été déclencheurs d’une conscience nouvelle: une vision et une volonté de se défaire des chaines invisibles qui contiennent la créativité et entretiennent le mythe. Comme Jean-Michel Basquiat ou Fanon, Sun Ra déconstruit les codes de la pensée pour trouver les remèdes de l’esthétique et de la sociologie de demain. Le silence devient une musique. Le chaos trouve son harmonie et l’espace est une terre promise. Une troisième composante s’invite au côté des éternelles corruptrices de la pensée que sont la vie et la mort pour Sun Ra : l’immortalité.
Le concept Afro futuriste incarne t-il la branche abstraite, fictive du Black Art Movement ?
Le modèle assimilationniste américain a trouvé avec les artistes qui ont inspiré le Black Art Movement des résistants contre la pensée unique et l’esthétique imposée.
«Une fiction spéculative qui traite des thèmes africains américains et qui implique les intérêts des africains américains dans la technoculture du vingtième siècle␣», Mark Dery.
Au Ghana, la foi en la continuité de l’activité après la mort conduit à préparer le défunt de sorte qu’il ait ses outils pour poursuivre son existence. Il n’existe nulle dernière demeure, la vie étant éternelle. Le personnage mythique de Njeddo Dewal dans les contes initiatiques Peuls de Amadou Hampaté Ba témoigne de la richesse africaine en cosmogonies et en sciences fictions. Cette philosophie de prolonger l’existence humaine dans le futur ne peut s’assimiler avec l’héritage colonial et offre tout comme la réincarnation bouddhiste ou la renaissance afro futuriste une nouvelle palette de créativité et de rupture, quant aux formes d’asservissements esthétiques inhérentes aux peuples minoritairement représentés, de par leurs cultures.
Le deejaying, un acte de déconstructivisme au service des musiques urbaines ?
Le futurisme artistique moderne bien que gangréné par l’industrie transporte le passé à travers le futur par le remix musical. La technologie moderne est la clé de l’évasion esthétique. Cependant les festivals de créations afro futuristes sont de nos jours sponsorisés par de grands groupes industriels, pour parfaire son image auprès du large public qu’ils déplacent. En littérature ou en cinéma, les mythes du passé orent des situations de chaos modernes libérées de toute forme de restriction. Un samouraï devient ainsi afro, un Thor devient noir. L’antinomie de la théorie afro futuriste réside dans la projection vers le futur de peuples en recherche de leur passé occulté. Comment penser le futur tout en ignorant le passé est encore l’axiome de départ de l’application Afrofutirism ?
Texte et photo par Kemi Bassene.
Retrouvez cet article dans le dernier numéro de la revue Afrikadaa.
Pour lire le numéro "AFRO-FUTURISM" et les précédents : http://www.afrikadaa.com/p/la-revue.html
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application Afrofutirism ? Futirism ? Tourisme ? Futuriste ? المستقبل؟
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